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Drogues et environnement.

Drogues et environnement.

Sources : article MILDECA du 22/03/2023 & ONUDC, Rapport mondial sur les drogues 2022 (publication des Nations Unies, 2022).


Déforestation, pollution des sols et de l’atmosphère, bilan carbone effarant… le coût environnemental de la production et de la consommation des drogues est désastreux.

S’il ne faut guère compter sur les industriels et trafiquants pour réduire l’impact environnemental des drogues, les fumeurs et usagers de drogues non dépendants ont encore la possibilité de faire des choix forts pour l’eau.
Par ailleurs, à l’heure où les enjeux climatiques sont cruciaux, la France a porté cette question prioritaire à l’occasion la présidence française de l’Union européenne en 2022 et la thématique figure désormais clairement dans la Stratégie et le Plan d’action en matière de drogues (2021-2025) de l’Union européenne.


PLAN

1/
INTRODUCTION.

➔ 2/ –
DROGUES ET ENVIRONNEMENT :
Impact général – Le site, facteur déterminant – Culture illicite de plantes servant à fabriquer des drogues – Production illicite de drogues de synthèse – Déboisement – Consommation d’énergie.

➔ 3/ –

DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE ET ENVIRONNEMENT :
Diversité biologique – Cannabis – L’empreinte carbone d’autres drogues d’origine végétale – Déboisement.

➔ 4/ –

DROGUES DE SYNTHÈSE ET ENVIRONNEMENT :
Situation – Lien existant entre production et déchets – Production et impact environnemental des drogues de synthèse – Génération de déchets liés à la production – Impacts des déchets sur l’environnement – Analyse des déchets liés à la production aux Pays-Bas – Causes de dommages.

➔ 5/ –
CONCLUSION.



INTRODUCTION

La recherche scientifique entreprise dans le domaine des liens entre l’économie de la drogue et l’environnement est relativement limitée et récente.

Si on la compare à d’autres domaines d’étude se rapportant aux drogues illicites, cette recherche n’a produit que des données limitées et relativement peu d’études universitaires.

De plus, comme pour tous les aspects des économies illicites, les données sont incomplètes ou indisponibles en raison du caractère clandestin du phénomène, ce qui ne permet guère de tirer des conclusions très nettes.

Les drogues peuvent certes ne représenter qu’une faible part de l’empreinte environnementale totale à l’échelle mondiale, mais l’industrie des drogues illicites peut avoir des incidences importantes sur l’environnement local.


Le présent dossier donne une vue d’ensemble de l’état actuel de la recherche scientifique sur les liens
directs et indirects entre les drogues et l’environnement, et fournit des analyses qui peuvent éclairer
les actions ciblées à mener.

Sans prétendre à l’exhaustivité, il couvre de nombreux aspects de la question.


Il s’interroge sur l’impact que la politique en matière de drogue et l’usage et l’offre de drogues peuvent
avoir sur l’environnement ainsi que sur les dimensions de cet impact, et mesure ce dernier autant que
faire se peut.

Il procède également à une comparaison de l’impact de différentes drogues et des activités
licites comparables.

Il appréhende l’impact environnemental de l’économie des drogues illicites d’un point de vue scientifique afin d’évaluer correctement le problème mondial de la drogue dans le cadre du débat plus général dont font l’objet les changements climatiques et la durabilité environnementale.


DROGUES ET ENVIRONNEMENT.

Impact général

Si l’impact des cultures illicites et de la fabrication de drogues sur l’environnement est relativement faible à l’échelle mondiale par rapport à celui du secteur agricole ou pharmaceutique légal, leurs effets peuvent être importants aux niveaux local, communautaire et individuel .

Le site, facteur déterminant

Le site des cultures illicites et de la fabrication illicite de drogues est l’un des facteurs qui a le plus d’influence sur l’impact environnemental de ces activités.

La culture illicite se fait généralement dans des zones isolées et peu peuplées, loin de toute présence de l’État.

Ces zones peuvent abriter des écosystèmes très divers et fragiles, comme ceux que l’on rencontre dans
les réserves forestières et les parcs naturels.

De même, les drogues de synthèse sont souvent fabriquées dans des endroits isolés, et cette activité donne lieu au déversement ou au rejet de déchets dans les forêts et les rivières ou directement dans les réseaux d’égouts.

Le site peut aussi être déterminant en ce qui concerne les possibilités d’atténuer cet impact. Les incidences des rejets dans les égouts peuvent, par exemple, être plus graves dans les pays et les communautés qui sont dépourvus de systèmes de traitement des eaux usées ou équipés de systèmes peu performants.

Cocaïne, héroïne, drogues de synthèse : des drogues qui détruisent et modifient durablement les écosystèmes.

1 gramme de cocaïne reviendrait à détruire 4m² de forêt.

La culture de la coca serait la cause de 43 à 58% de la déforestation amazonienne.

La transformation de la feuille de coca nécessite l’utilisation de nombreuses substances chimiques comme l’acide sulfurique, l’essence ou le kérosène… autant de produits que les trafiquants rejettent sans précaution dans la nature polluant les cours d’eau et les sols.

Le transport de la cocaïne par voie maritime pollue les océans.

Les ballots de produit jetés par-dessus bord par les trafiquants contrôlés au large participent à la destruction de la faune et la flore marines.

Culture illicite de plantes servant à fabriquer des drogues

Comme les autres cultures, la culture illicite de plantes servant à fabriquer des drogues peut avoir des effets nocifs pour le sol et l’eau, et la production de drogues elle-même, y compris le traitement chimique et la génération de déchets, peut également avoir des répercussions sur la qualité de l’air.

L’usage intensif d’engrais et de pesticides peut avoir des incidences néfastes sur l’environnement et les organismes vivant dans l’eau et le sol.
Certaines méthodes d’irrigation peuvent accélérer la salinisation du sol, c’est-à-dire l’accumulation
excessive de sel dans le sol.

La culture illicite se rencontre également dans des espaces protégés, tels que les parcs nationaux et les réserves forestières, où les écosystèmes sont particulièrement fragiles.
L’empreinte carbone des drogues d’origine végétale dépend des méthodes de culture mises en œuvre ainsi que des procédés ultérieurs de fabrication, de transport et de commercialisation du produit.
L’empreinte carbone de la culture du cannabis en intérieur est beaucoup plus importante (de 16 à 100 fois plus) que celle de sa culture en extérieur. Dans le cas de la culture en extérieur, y compris sous serre, le déboisement ou d’autres formes de réaffectation des terres peuvent influer de manière considérable sur l’empreinte carbone.

L’empreinte carbone de la fabrication d’un kilogramme de cocaïne est nettement plus importante que celle de cultures licites telles que le café, le cacao et la canne à sucre (elle est par exemple 30 fois supérieure à celle du cacao et 2 600 fois supérieure à celle de la canne à sucre), et elle découle principalement de la culture du cocaïer (60 %), de l’extraction des alcaloïdes (24 %) et de l’élimination des déchets (14 %).

Selon les estimations, les émissions totales de carbone produites par la fabrication de cocaïne à l’échelle mondiale représentent 8,9 millions de tonnes de CO₂e par an, ce qui équivaut à la quantité moyenne d’émissions de plus de 1,9 million d’automobiles à essence conduites pendant une année, ou à plus de 3,3 milliards de litres de gazole consommés.

Le cannabis est tout sauf bio ou écolo, sa production est une cause d’épuisement et de pollution des ressources.

La monoculture illégale et intensive du cannabis, les techniques d’irrigation modernes et de variétés à haut rendement augmentent la pression exercée sur des écosystèmes déjà fragiles avec des pénuries d’eau et des pertes de diversité biologiques.

La culture intensive du cannabis dans le Rif a fait de cette région, la plus grosse consommatrice d’engrais de synthèse et de pesticides du Maroc.

L’irrigation des cultures de cannabis dans les régions sèches et ensoleillées, comme la Californie, utilise les eaux souterraines… un plant de cannabis cultivé en extérieur nécessite jusqu’à 22,7 litres d’eau par jour.

Production illicite de drogues de synthèse

L’impact environnemental de la production de drogues de synthèse est déterminé en partie par les méthodes de production et les modes de gestion des déchets correspondants.

Il l’est également par les modalités d’élimination ultérieure des déchets.

L’utilisation de préprécurseurs et de pré-préprécurseurs augmente le volume de déchets.

Comme la production a généralement lieu à une échelle locale, le déversement et le rejet des déchets peuvent avoir des incidences importantes sur le sol, l’eau et l’air, ainsi que des effets indirects sur les organismes, les animaux et la chaîne alimentaire.

Le volume des déchets produits au cours de la fabrication de drogues de synthèse telles que l’amphétamine, la méthamphétamine et la MDMA (« ecstasy ») est entre cinq et 30 fois supérieur à celui du produit final. Cela crée de grosses difficultés aux services de détection et de répression lorsqu’il leur faut démanteler les laboratoires saisis. Pour les administrations locales et les particuliers, un tel volume de déchets peut entraîner des coûts importants, qu’il s’agisse du coût financier du nettoyage ou du coût de la pollution pour la santé.

Le traitement des eaux usées peut réduire l’impact environnemental des déchets déversés et rejetés, mais les capacités en matière de traitement sont très inégalement réparties à travers le monde.

La fabrication d’amphétamine et de méthamphétamine a lieu pour l’essentiel dans des zones isolées, dépourvues de système de traitement de l’eau et, pour certaines substances, telles que la MDMA, les taux d’élimination sont relativement faibles.

Déboisement

Les cultures illicites peuvent jouer directement et indirectement sur le déboisement.
D’après des données provenant de deux régions de Colombie, la culture illégale du cocaïer pourrait y être la cause directe ou un facteur indirect de 43 % à 58 % du déboisement.

Si les cultures illicites impliquent un déboisement préalable, leur empreinte carbone peut s’en trouver considérablement accrue, car du CO₂ est libéré dans l’atmosphère lorsque des arbres sont abattus, et ces arbres n’absorbent plus le carbone.

Il ressort de nouvelles études portant sur la partie occidentale de la région amazonienne que la culture illicite du cocaïer alimente le déboisement, mais dans une moindre mesure que d’autres pratiques agricoles (20 % de moins en Bolivie (État plurinational de), 6 % de moins en Colombie et 2 % de moins au Pérou).

Les cultures illicites peuvent également favoriser le déboisement en facilitant l’expansion des établissements humains et d’autres activités agricoles.

Le trafic de drogues peut aussi conduire indirectement au déboisement lorsque son produit est blanchi par le biais de l’élevage de bétail et d’autres activités qui nécessitent de grandes étendues de terre.

Consommation d’énergie

Dans le cas de la culture du cannabis en intérieur, l’empreinte carbone est déterminée plus particulièrement par la consommation d’énergie, notamment celle des équipements de chauffage, ventilation et climatisation nécessaires au maintien de la température et de l’humidité requises, et des lampes horticoles.

Ces mesures de régulation des conditions ambiantes représentent ensemble plus de 80 % de l’empreinte carbone. De plus, le trafic de drogues peut être indirectement lié à la consommation d’énergie si les ventes en ligne se font en cryptomonnaies.


DROGUES D’ORIGINE VÉGÉTALE ET ENVIRONNEMENT

En ce qui concerne les drogues d’origine végétale, l’empreinte carbone de la culture du cannabis en intérieur est principalement déterminée par la consommation d’énergie, s’agissant en particulier de la
régulation des paramètres ambiants au moyen des équipements de chauffage, ventilation et climatisation nécessaires au maintien de la température et de l’humidité requises, ainsi que des lampes
horticoles.

Considérées dans leur ensemble, ces mesures de régulation représentent plus de 80 % de l’empreinte carbone de la culture en intérieur de cannabis. Les principaux facteurs de l’empreinte carbone de la production agricole classique en extérieur sont les engrais, les herbicides et les activités de préparation des terres, mais ils ne représentent que moins de 5 % du total pour le cannabis cultivé en intérieur.

L’injection de CO₂, généralement utilisée pour accélérer la croissance de la plante cultivée en intérieur, est un autre facteur de l’empreinte carbone.
Pour ce qui est de la culture en extérieur de toute plante servant à fabriquer de la drogue , le plus fort impact environnemental potentiel concerne le changement d’affectation des terres, lorsque, par exemple, des forêts sont défrichées aux fins de la culture de plantes servant à fabriquer des drogues illicites.

Le déboisement est associé depuis des décennies aux cultures illicites, mais la recherche ne s’est que récemment avisée d’entreprendre de donner une image plus précise de la mesure dans laquelle la culture illicite est une cause directe du déboisement ou un facteur plus indirect d’activités économiques qui repoussent la frontière agricole.

Le trafic de drogues peut également avoir un impact environnemental sur les terres, par exemple par le biais d’investissements dans l’élevage du bétail liés au blanchiment d’argent.

C’est généralement le produit final qui sert à quantifier l’impact environnemental des drogues d’origine
végétale, mais celui des drogues de synthèse découle souvent des déchets, que l’on estime représenter
au moins cinq fois le poids du produit final.

Les données relatives à la production de drogues de synthèse telles que l’amphétamine, la méthamphétamine ou la MDMA étant incomplètes, il n’est pas possible de donner des estimations précises des déchets à l’échelle mondiale. On peut fournir une estimation minimale en appliquant les ratios de production de déchets estimés aux quantités saisies, pour lesquelles l’on dispose d’agrégats tirés des informations officielles communiquées par les pays.
L’analyse des eaux usées locales permet à la fois de suivre les tendances de la consommation de drogues et de mesurer la charge environnementale des substances liées aux drogues .

Ces analyses ont bien attesté des concentrations de résidus de drogues et de leurs métabolites à l’échelle locale dans différentes régions du monde, mais elles sont pour la plupart effectuées en Europe et dans quelques autres pays à revenu élevé, dont l’Australie, le Canada et les États-Unis d’Amérique, et elles ont jusqu’à présent été utilisées davantage pour suivre les tendances de la consommation de drogues que pour évaluer l’impact environnemental.

Et si diverses études tirées de ces analyses ont montré les incidences négatives de l’usage de drogues sur la diversité biologique, la recherche sur cette question reste souvent limitée à des cadres d’expérimentation et n’a encore offert que peu d’informations sur les éventuels effets à long terme.

Diversité biologique

Les drogues et leurs métabolites peuvent avoir un impact sur les espèces sauvages, en particulier
dans les écosystèmes aquatiques.

D’après des simulations en laboratoire, les espèces affectées sont notamment la truite brune, l’écrevisse, le poisson-zèbre et la moule zébrée.

Toutefois, les effets d’une exposition de longue durée ou chronique dans ces écosystèmes et les effets éventuels sur la chaîne alimentaire ont été peu étudiés.


De même, les effets du déboisement et de la fragmentation des forêts à l’échelon local sur les espèces
endémiques réparties dans des zones de petites dimensions (endémisme) n’ont pas été étudiés.

Cannabis

L’empreinte carbone totale de la culture de cannabis en intérieur a été estimée à une valeur comprise
entre 2 300 et 5 200 kg de CO₂e par kilogramme de fleurs de cannabis séchées.

Pour le cannabis cultivé en extérieur, l’estimation oscille entre 22,7 et 326,6 kg de CO₂e par kilogramme de fleurs séchées.

L’impact par usager est inférieur et dépend des modes de consommation de cannabis.

La consommation d’énergie est de loin la composante la plus importante de l’empreinte carbone générée par la culture du cannabis en intérieur.

En ce qui concerne le cannabis cultivé en extérieur, le défrichement des forêts préalable à la culture peut être la principale source d’impact environnemental.
Dans les contextes de haute technologie, tant en intérieur qu’en extérieur (culture sous serre), l’empreinte carbone découle principalement de la régulation des conditions ambiantes (chauffage, ventilation et climatisation) et de l’utilisation de lampes horticoles.
D’après le peu d’études disponibles, la culture de cannabis sous serre et la culture en extérieur génèrent respectivement 42 % et 96 % d’émissions de CO₂ de moins que la culture en intérieur. Les études portant sur l’impact environnemental de la culture du cannabis dans les pays où cette substance a été légalisée montrent que cette culture nécessite des quantités importantes d’énergie pour réguler les conditions ambiantes, lesquelles peuvent représenter quelque 80 % à 85 % de l’empreinte carbone totale.

L’empreinte carbone moyenne d’une dose ordinaire (un joint) de cannabis est nettement plus forte que celle d’une tasse de café si le cannabis a été cultivé en intérieur, mais elle est plus faible si celui-ci a été produit en extérieur.

S’agissant de la culture du cannabis en extérieur, la quantité d’eau utilisée pour l’irrigation est faible par rapport à celle qui est nécessaire aux cultures alternatives, comme les amandes. Toutefois, selon les endroits, la culture du cannabis peut toujours avoir un impact environnemental important.

L’empreinte carbone d’autres drogues d’origine végétale

En termes relatifs, les chaînes d’approvisionnement en drogues peuvent avoir une très forte empreinte carbone par kilogramme de produit.

Par exemple, le cannabis et la cocaïne ont une empreinte carbone par kilogramme plus forte que celle d’autres produits, comme les grains de café vert, les fèves de cacao ou la canne à sucre. Cependant, en termes absolus, ces dernières cultures ont une empreinte totale nettement plus importante en raison de la différence d’échelle de production à travers le monde.

L’impact environnemental de la production de cocaïne est amplifié par la faiblesse des rendements des alcaloïdes extraits des feuilles de coca. Une tonne de feuilles de coca donne 1,41 kg de chlorhydrate
de cocaïne.

Sur la base d’une empreinte carbone de 0,51 kg de CO₂e pour 1 kg de feuilles de coca, l’empreinte
d’un kilogramme de cocaïne est estimée à 590 kg de CO₂e, sans tenir compte du changement d’affectation des terres, ce qui équivaut à la consommation de 250 litres d’essence. Au niveau de l’usager individuel, l’empreinte carbone moyenne est nettement moins importante étant donné que les consommations moyennes sont plus faibles.

À titre de comparaison, l’empreinte carbone d’un kilogramme de grains de café vert est estimée à environ 7 kg de CO₂e, tandis qu’un kilogramme de fèves de cacao produit environ 20 kg de CO₂e. Lorsque les changements d’affectation des terres sont pris en considération, l’empreinte carbone augmente. Pour la Colombie, selon les estimations, elle serait de sept à 10 fois supérieure.

Sur la base des estimations de l’empreinte carbone disponibles et des données relatives à la production mondiale pour 2020, l’empreinte carbone mondiale de la cocaïne équivaut à 1,17 million de tonnes de CO₂e sans qu’il soit tenu compte du changement d’affectation des terres. C’est l’équivalent des émissions moyennes de plus de 250 000 automobiles à essence conduites pendant une année, ou d’environ 435 millions de litres de gazole consommés.

La recherche menée sur l’empreinte carbone de la production de cocaïne dans deux régions de la Colombie (le Département de Putumayo et la région de Catatumbo) montre que si un changement d’affectation des terres a lieu (par exemple, lorsque les terres forestières cèdent la place à des terres en culture, ce qui rejette une grande quantité de carbone dans l’atmosphère), les émissions qui en résultent pourraient atteindre entre 4 et 6 tonnes de CO₂e par kilogramme de cocaïne, ce qui donne à penser que l’effet produit par le changement d’affectation des terres pourrait facilement être l’impact le plus important de la production de cocaïne.

De fortes lacunes en matière de données ne permettent pas d’obtenir des estimations exactes de l’empreinte carbone mondiale de la culture du cannabis en extérieur en ce qui concerne les fleurs séchées et/ou la résine. Pour arriver à de telles estimations, il faudrait pouvoir disposer de données relatives à la production qui permettent de mesurer les rendements, les engrais et l’énergie utilisés, et les effets de la gestion des terres sur, par exemple, les systèmes pédohydrologiques.

Les lacunes en matière de données sont encore plus voyantes pour la culture du pavot à opium et la production d’opium. L’estimation la plus proche de l’empreinte carbone de cette drogue a porté sur une partie de la chaîne d’approvisionnement et a été limitée à la culture du pavot à opium aux fins de la production légale de morphine à usage médical. Il ressort d’une seule étude publiée en 2016 que près de 90 % de l’empreinte carbone de la morphine prête à son emploi médical étaient liés aux étapes finales de la production, en particulier à la stérilisation et au conditionnement.

En ce qui concerne la production de drogues d’origine végétale, des liens directs et indirects entre les actions antidrogues et l’environnement peuvent être établis à travers les activités relatives aux programmes et le soutien, par exemple dans les projets de développement alternatif. Il n’existe qu’un petit nombre de politiques environnementales, telles que la désignation de zones environnementales protégées, qui établissent un lien indirect avec des cultures illicites (potentielles). Dans tous les autres cas, les politiques environnementales ne semblent pas prendre en considération les questions environnementales spécifiquement liées aux cultures illicites et à la production ou au trafic de drogues.

Déboisement

En termes d’hectares cultivés, le déboisement direct au profit des cultures illicites est généralement peu important par rapport aux autres sources de déboisement, telles que celles associées à d ’autres cultures ou à l’élevage de bétail.

Toutefois, la culture illicite est liée à l’expansion de la frontière agricole et à d’autres facteurs de déboisement, notamment le sous-développement et l’inégalité socioéconomiques, les conflits armés ou l’absence de politiques de développement agricole efficaces.

La culture illicite du cocaïer peut être un facteur de déboisement.

Toutefois, les nouvelles études menées dans la partie occidentale de la région amazonienne montrent que le déboisement dû à cette culture est plus lent et entraîne moins de pertes forestières que celui causé par d’autres pratiques agricoles, encore que l’impact varie selon les pays en termes d’hectares cultivés. Pour la région amazonienne de l’État plurinational de Bolivie, le taux de pertes forestières dues à cette culture était de 20 % inférieur à celui dû à d’autres activités agricoles. Dans la région amazonienne de la Colombie, ce taux était de 11 % inférieur.


La recherche reste principalement axée sur les effets de la culture, ceux du trafic de drogues étant nettement moins étudiés alors qu’ils peuvent, par le biais des investissement liés au blanchiment d’argent (par exemple, dans l’agriculture ou l’élevage de bétail), avoir un impact environnemental supplémentaire.

Des éléments probants provenant de nombreux maillons de la chaîne transnationale d’approvisionnement en cocaïne montrent le pouvoir de transformation des capitaux illicites dans les situations liées à la frontière agricole, qui peuvent être responsables d’un changement indirect important d’affectation des terres et d’une dégradation de celles-ci éventuellement égaux ou supérieurs aux impacts directs liée à la culture.

La recherche a désormais fermement établi le lien existant entre le trafic de drogues et le déboisement. Toutefois, elle présente encore des lacunes s’agissant de comprendre comment l’importance, la portée et la dynamique de ce lien peuvent influer sur la dégradation de l’environnement et de recenser les actions antidrogues à entreprendre et les politiques plus générales à adopter pour régler le problème.


En ce qui concerne l’Amérique centrale, la recherche portant sur les réseaux de trafic au Guatemala et au Honduras ont montré que les changements non seulement d’affectation des terres et de couvert végétal, mais aussi de contrôle de la terre peuvent avoir une incidence. Les changements de propriété foncière peuvent être à l’origine d’autres formes de dommages environnementaux qui vont au-delà d’un changement d’affectation des terres, comme, par exemple, l’abattage illégal du bois et le trafic d’espèces sauvages.
Outre les effets directs du déboisement, la culture illicite peut contribuer à la fragmentation des
forêts, qui a des effets indirects de longue durée sur la diversité biologique par le biais de la
fragmentation des habitats et d’une diminution de la capacité d’appui des écosystèmes.


DROGUES DE SYNTHÈSE

La principale différence entre les drogues d’origine végétale et les drogues de synthèse est que les premières sont souvent tributaires de certaines conditions climatiques, ce qui implique que les plantes concernées ne peuvent être cultivées que dans certaines zones géographiques.

En revanche, les drogues de synthèse ne dépendent pas du lieu de production.

Certaines conditions de base doivent certes être réunies pour qu’elles puissent être fabriquées, comme la disponibilité d’électricité et d’eau, mais en l’absence de réseaux d’approvisionnement en électricité et en eau, il est possible d’avoir recours, par exemple, à des panneaux solaires et à des citernes à eau. Autre différence de taille : le marché des drogues d’origine végétale est relativement stable en ce qui concerne les produits finals qui y sont proposés (comme le cannabis, la cocaïne, l’héroïne et l’opium), tandis que celui des drogues de synthèse évolue rapidement et constamment, plus de 1 000 nouvelles substances psychoactives étant apparues sur les marchés illicites ces dernières années. Toutefois, ces nouvelles substances sont encore toutes des produits de niche.

La production de drogues de synthèse est liée pour l’essentiel à trois produits : la méthamphétamine, l’amphétamine et la MDMA («ecstasy»).

Comme pour les drogues d’origine végétale, bien des facteurs définissent l’impact environnemental des drogues de synthèse. La production des drogues d’origine végétale présente, du point de vue de l’impact environnemental, des tendances analogues à celles qui concernent les drogues de synthèse dans la mesure où, dans les deux cas, il y a utilisation de divers précurseurs et autres intrants pour produire le produit final.

Mais le type de précurseurs utilisé pour fabriquer des drogues de synthèse est plus évolutif car les trafiquants s’adaptent à la réglementation, en ayant tendance à passer à des préprécurseurs (produits chimiques qui ne sont pas réglementés et qui peuvent produire des précurseurs placés sous contrôle international).
Il importe de noter que la fabrication des drogues de synthèse n’est pas complètement séparée du domaine agricole. Pour certaines de ces drogues, comme l’«ecstasy», les principales matières premières sont des précurseurs d’origine végétale comme le safrole, qui est extrait de diverses plantes, en particulier l’arbre sassafras.

La culture de ces précurseurs augmente l’empreinte carbone des drogues de synthèse d’une façon analogue aux précurseurs de synthèse.

Toutefois, on relève également un impact négatif spécifique sur les écosystèmes fragiles dans des pays comme le Cambodge et le Myanmar en raison du processus de distillation, qui requiert de grandes quantités de bois comme combustible.
Le risque de dommages environnementaux varie sensiblement en fonction de l’existence et du degré de sophistication de la gestion de l’eau et des déchets. La capacité de traiter et d’analyser l’eau peut être très différente d’un pays à l’autre, ce qui veut dire que, par exemple, la fabrication de la méthamphétamine fait apparaître, du point de vue de l’impact environnemental, des tendances différentes en Afghanistan, au Myanmar et aux Pays-Bas.

Le déversement et le rejet de déchets de drogues de synthèse passent souvent inaperçus ; compte tenu de la pénurie de donnée relatives à la production à l’échelle mondiale, il est donc difficile d’estimer l’impact environnemental de la production de ces drogues.

Comme pour les autres processus chimiques, la quantité de déchets de drogues créés à l ’occasion de la production de celles-ci est au moins cinq fois la quantité de produit final. Pour certaines drogues et méthodes de fabrication, elle peut être jusqu’à 30 fois supérieure.

On ne connaît pas les chiffres de production de déchets à l’échelle mondiale, mais on peut calculer une estimation minimale à partir des quantités connues de drogues de synthèse saisies. Sur la base des quantités annuelles saisies, la quantité annuelle mondiale de déchets pour l’amphétamine s’établit entre 1 152 et 1 728 tonnes. Elle se situe entre 1 233 et 2 466 tonnes pour la méthamphétamine et entre 69,6 et 116 tonnes pour la MDMA. Toutefois, étant donné les grosses quantités de produits finals non détectées, la production mondiale de déchets pourrait bien être de plusieurs ordres de grandeurs plus élevée.

En dehors du contrôle des précurseurs, les actions menées contre la production de drogues de synthèse ont un caractère essentiellement réactif, allant du repérage et du démantèlement des laboratoires clandestins à l’analyse des eaux usées, aux opérations de dépollution des sites de production ou de rejet de déchets et à l’élimination adéquate des drogues confisquées.

Les coûts de dépollution des sites de production de drogues de synthèse et des sites de stockage et de déversement de déchets peuvent être élevés.

Selon des estimations provenant de Belgique et des Pays-Bas, ils y seraient en moyenne de 33 372 euros et 13 566 euros par site, respectivement.
Aux Pays-Bas, les administrations provinciales subventionnent la dépollution des sols ou des eaux de surface contaminés.

Situation

Comme celle des drogues d’origine végétale, la fabrication de drogues de synthèse est d’envergure modeste par rapport à celle du marché mondial des produits chimiques ou pharmaceutiques licites .

Elle n’en représente pas moins, dans le segment des drogues illicites, un marché qui ne cesse d’augmenter. Les concentrations dans l’environnement des drogues placées sous contrôle et de leurs métabolites sont relativement faibles par rapport à d’autres substances chimiques, mais certaines substances comme l’amphétamine et la MDMA ont une forte activité pharmacologique, laquelle peut créer une toxicité spécifique pour les sols et les eaux superficielles et souterraines, d’où des risques pour la santé publique et la diversité biologique qui, tout en étant faibles par rapport à d ’autres risques aux niveaux national et mondial, peuvent néanmoins être importants à l’échelon local.
L’impact environnemental des drogues de synthèse peut se répartir entre les deux principaux domaines d’activité que sont la fabrication et la consommation. L’impact immédiat de la fabrication de drogues illicites est souvent très local, alors que celui de la consommation peut être plus largement réparti et avoir un caractère mondial. Les incidences de la consommation sur l’environnement sont dues principalement aux excrétions humaines, les drogues ou leurs métabolites actifs étant alors rejetés directement dans les eaux usées. Les substances le plus souvent détectées dans les installations de traitement des eaux usées dans les pays où cette surveillance existe sont l’amphétamine, la benzoylecgonine, l’ester méthylique de l’ecgonine, la MDMA, la méthamphétamine et la morphine.

Liens existant entre production et déchets

On trouve des laboratoires de drogues clandestins dans de nombreux pays.

Fabriquée illicitement dans des laboratoires de ce type, la méthamphétamine est le stimulant de type amphétamine le plus souvent fabriqué dans le monde.

La fabrication de drogues de synthèse est largement répandue.

Des laboratoires de fabrication illicite de ces drogues ont été démantelés dans toutes les régions du monde.

La fabrication de la méthamphétamine est concentrée pour une large part en Amérique du Nord et en Asie du Sud-Est, et cette fabrication a tendance à progresser en Asie du Sud-Ouest et en Europe du Nord ; la fabrication de l’amphétamine est très répandue au Moyen-Orient (sous la forme de «captagon»), et celle de l’« ecstasy » l’est en Europe du Nord.

Chaque phase du processus de synthèse sur lequel repose la fabrication de ces drogues crée une signature chimique spécifique à partir d’une série de composés chimiques, à savoir les (pré)précurseurs
et les impuretés connexes, et les sous-produits de synthèse. On peut dire qu’il s’agit d’autant de marqueurs de synthèse. Dans la plupart des cas, la composition des impuretés générées durant le processus de synthèse est connue, mais elle est encore inconnue pour certains précurseurs.

La composition des déchets de drogue est déterminée par de nombreux facteurs, notamment les (pré)précurseurs utilisés, l’étape réactionnelle, les conditions et la durée de la réaction, les installations
et le matériel utilisé, et l’expérience du fabricant. Il s’ensuit que le volume et la composition des déchets de fabrication peuvent être variables. Les recettes trouvées dans des laboratoires illicites des Pays-Bas permettent de donner des chiffres indicatifs pour la composition des déchets.

Production et impact environnemental des drogues de synthèse

Le danger que la production et la consommation humaine de drogues de synthèse présentent pour l’environnement comporte différents éléments.

L’impact environnemental de la consommation de drogues est généralement faible et lié à l’évacuation des drogues mères et des métabolites humains dans les eaux de surface par l’intermédiaire des installations de traitement des eaux usées.

L’impact environnemental associé au déversement de déchets chimiques générés par la fabrication de drogues illicites peut être important et il est principalement dû aux produits chimiques en vrac, tels que les solvants (acides, bases, solvants biologiques), et aux produits chimiques spéciaux. Ces derniers sont notamment les précurseurs, les produits finis, les intermédiaires réactionnels et les sous-produits et, dans certains cas, les catalyseurs.

Les modes d’évacuation des déchets générés par la production de drogues sont variés, comme on l’indique plus loin.

Outre la production et le transport des précurseurs, l’impact environnemental des drogues de synthèse est dû essentiellement aux déchets toxiques générés pendant le processus de production.

En général, les fabricants de drogues de ce type éliminent ces déchets de deux manières : par déversement et par rejet.

Le déversement s’entend de l’élimination des déchets de drogues de synthèse placés dans un conteneur (qui peut être, par exemple un fût en plastique ou un fût métallique), tandis que les rejets sont les déchets liquides répandus directement ou indirectement au sol ou dans l’eau.

Du point de vue des dommages environnementaux, il importe de faire la distinction entre déversement et rejets.

Les conteneurs qui servent au déversement sont visibles et identifiables, alors que les rejets le sont moins. Les rejets sont également considérés comme une source plus directe de dommages dans la mesure où les êtres humains et la nature sont plus directement exposés aux substances toxiques en cause, en même temps que l’invisibilité de ces substances limite les connaissances et les données disponibles.

Génération de déchets liés à la production

Au stade de la production, le plus fort impact environnemental est créé par les déchets chimiques, qui se composent des substances chimiques utilisées comme précurseurs dans le processus de fabrication.
Ces déchets prennent des proportions importantes par rapport au produit final.

Selon les estimations, la production d’un kilogramme de MDMA (ou « ecstasy ») génère entre 6 et 10 kg de déchets 190 .

Pour les autres drogues de synthèse, les estimations peuvent être nettement plus élevées. Par exemple, la production d’un kilogramme d’amphétamine générerait entre 20 et 30 kg de déchets.

Impacts des déchets sur l’environnement

L’impact environnemental des déchets rejetés est variable.

L’impact d’une solution acide, d’une solution alcaline ou d’un solvant déversé peut varier selon les propriétés physiques et chimiques de la surface naturelle sur laquelle le déversement a eu lieu et du degré de dilution de la solution concernée. Lorsque de l’eau est présente dans le sol, par exemple, les déchets peuvent se répandre plus facilement, tandis que leur concentration décroît par diffusion-dispersion.
D’après les recettes trouvées dans des laboratoires clandestins, les déchets d’amphétamine sont surtout des solutions aqueuses acides, une partie importante (50 %) des déchets générés par la synthèse de l’amphétamine étant composée d’acides très forts (pH≈0).

Pour la MDMA, les solvants biologiques, les réactifs et les solutions aqueuses alcalines représentent une partie importante des déchets. De plus, la transformation de divers préprécurseurs en précurseurs et la transformation et l’isolement ultérieurs du produit final entraînent des pertes importantes pour l’amphétamine et la MDMA. Cela tient à des transformations incomplètes et imparfaites et aux pertes découlant de la séparation incomplète des mélanges réactifs et des produits. En d’autres termes, les déchets contiennent d’importants résidus de préprécurseurs, de précurseurs et d’impuretés, ainsi que du produit final. Par ailleurs, la fabrication de stimulants de type amphétamine produit des composés organiques volatils, dont l’acétone, le toluène et l’éther.

Le principal danger que présentent ces composés pour l’environnement est une éventuelle contamination des nappes phréatiques. En quantités suffisamment importantes, ils peuvent nuire à la croissance de la population bactérienne qui traite les eaux usées dans un champ d’épandage ou tuer cette population.

Dans le cas de la méthamphétamine, les déchets de laboratoire sont principalement des combustibles et des solvants comme ceux qu’utilisent chez eux les particuliers pour des activités de nettoyage et en rapport avec leur véhicule.

Ces déchets peuvent également contenir des quantités moins importantes de divers métaux, comme le lithium ou le mercure qui servent de catalyseurs dans une réaction. La méthamphétamine peut être produite à l’aide de différentes méthodes de synthèse. Ces méthodes peuvent faire intervenir des précurseurs comme l’éphédrine ou la phénylacétone (également connue sous l’appellation de P2P) ou benzylméthylcétone (BMK). Si la phénylacétone est utilisée comme précurseur, la méthode mise en œuvre pour produire ce précurseur est la même que celle servant à produire l’amphétamine, et consiste principalement à recourir à des solutions aqueuses acides.

Par la suite, il est procédé à une amination réductive qui utilise le N-méthylamide ou le méthylamide comme réactif et l’aluminium enrobé de mercure comme catalyseur.

Lorsque l’éphédrine est utilisée comme précurseur, des solutions alcalines, divers solvants biologiques, l’iode et le phosphore sont requis.
La synthèse de l’amphétamine génère un volume de déchets plus important que celle de la méthamphétamine ou de la MDMA, mais la synthèse de ces deux dernières drogues peut générer du mercure métallique, très toxique. Selon la méthode de synthèse utilisée, la fabrication de l’amphétamine peut générer du plomb et du mercure comme sous-produits.

L’exposition dans l’environnement aux déchets acides et alcalins et aux solvants biologiques (comme l’acétone, l’éther éthylique, le méthanol ou l’isopropanol) utilisés pour fabriquer des drogues illicites est généralement un risque immédiat localisé.

Pour l’essentiel, les dommages sont fonction du volume qui pénètre dans le sol ou dans les eaux de surface. Une exposition de plus longue durée est moins susceptible de se produire car, le temps aidant, les solutions acides et alcalines sont diluées et tamponnées par l’eau et la pluie et/ou sont neutralisées par le pouvoir tampon des sols, tandis que les solvants biologiques s’évaporent dans l’air ou sont assez rapidement biodégradés par les microbes dans le traitement des eaux usées ou dans l’environnement.

Cela étant, ces substances peuvent avoir des effets indirects sur l’environnement, tels que la présence de métaux lourds dans le sol. Elle peut nuire à la qualité des eaux souterraines et aux organismes présents dans les sols ou les sédiments.

De plus, elle peut induire une forte demande chimique en oxygène et un appauvrissement de l’eau en oxygène, une charge élevée en sulfates et la salinisation. Les solvants biologiques peuvent s’évaporer ou être transportés avec l’eau vers les eaux souterraines.

Dans les provinces de Brabant-du-Nord et de Limbourg, aux Pays-Bas (où sont situés la plupart des laboratoires clandestins de ce pays), par exemple, environ 20 % des sites de rejet de déchets qui ont été découverts se trouvaient dans des zones de protection des eaux souterraines. Il s’agit de zones protégées en tant qu’aquifères et servant à produire de l’eau potable.

Analyse des déchets liés à la production aux Pays-Bas

Sur la base d’un rapport de 2018 où était calculée la production d’amphétamine et de MDMA aux Pays-Bas, on estime que les déchets générés par ces processus de production dans le pays se soldent par plus de 6 000 et 1 000 tonnes de déchets de production de drogues par an pour l’amphétamine et
la MDMA, respectivement.

Ces chiffres peuvent comprendre certains déchets de drogues de synthèse générés par les laboratoires clandestins de Belgique, qui peuvent avoir été déversés intentionnellement dans les provinces méridionales des Pays-Bas.
La police nationale néerlandaise publie des vues d’ensemble annuelles des lieux de production de drogues de synthèse, des installations de stockage du matériel et des produits chimiques, et des sites de déversement des déchets provenant des lieux de production.
Le nombre des lieux de production et des installations de stockage a augmenté entre 2017 et 2020, mais il a baissé à nouveau en 2021. Le nombre de sites de déversement de déchets a diminué entre 2018 et 2020, avant d’augmenter sensiblement en 2021.

Les lieux de production et de stockage étaient concentrés pour l’essentiel dans les parties orientale et sud-orientale des Pays-Bas, et la majorité des sites de déversement de déchets se trouvaient dans les mêmes régions ainsi que dans la province sud-occidentale de Zélande.

Causes de dommages

Il y a deux décennies, une étude avait déjà signalé que les produits chimiques utilisés par les laboratoires clandestins de fabrication de drogues pouvaient polluer l’environnement car ils étaient souvent évacués secrètement dans le sol, les réseaux d’égouts ou les installations publiques de gestion des déchets.


Sur la base de ce qui a été constaté aux Pays-Bas, la décharge sauvage ou le déversement clandestin peuvent prendre bien des formes, à savoir notamment l’enfouissement, le déversement au sol ou dans les eaux de surface, le stockage dans des caves, le brassage avec du fumier ou d’autres déchets chimiques, l’incinération, le dépôt illégal aux centres de recyclage locaux et la dispersion directe ou indirecte par tuyau de plomberie intérieure qui évacue les déchets vers un réseau d’égouts municipal ou un système individuel de traitement des eaux usées 198 . Les déchets résultant de la synthèse de drogues peuvent également être recueillis dans des conteneurs, des jerrycans ou de grands récipients pour vrac et stockés dans les installations de production ou dans des camionnettes qui peuvent ultérieurement être abandonnées ou incendiées.


Rejet direct au sol
Les déchets stockés dans des conteneurs en plastique, des jerrycans ou des grands récipients pour vrac peuvent être rejetés sur des terres privées et publiques (champs cultivés, forêts, parcs naturels), avec des effets préjudiciables pour toutes les composantes de l’agriculture et de l’environnement. On a également découvert des déchets de drogues enterrés dans des fosses et dans des puits comblés.

➔ Rejet direct dans les eaux de surface
Les déchets résultant de la production de drogues de synthèse peuvent également être directement rejetés dans les eaux de surface par le vidage délibéré de jerrycans et d’autres conteneurs. En outre, les
laboratoires clandestins peuvent utiliser des canalisations pour injecter directement des déchets liquides dans des fossés, des cours d’eau et des canaux. Les principales menaces (locales) pour l’environnement aquatique sont l’acidification (dans le cas des déchets d’amphétamine) ou l’appauvrissement en oxygène (dans le cas des déchets de MDMA qui contiennent de l’éthanol ou du méthanol). S’agissant des déchets chimiques résultant de la production de méthamphétamine déversés dans les eaux de surface, des expériences de laboratoire et des calculs à l’aide de modèles ont démontré que, dans l’immédiat, les déchets étaient susceptibles d’être nocifs pour les organismes aquatiques en raison de l’appauvrissement en oxygène. On a constaté qu’un mélange de constituants de déchets consommait davantage d’oxygène que les produits chimiques pris isolément. Ces déchets étaient susceptibles de rester dans l’eau entre 15 et 37 jours.

➔ Rejet direct dans les réseaux d’égouts
Les déchets acides ou alcalins rejetés dans les réseaux d’égouts peuvent endommager l’infrastructure (les canalisations, par exemple) et nuire aux bactéries affectées au nettoyage de l’eau dans les installations de traitement des eaux usées. Aux Pays-Bas, par exemple, une petite installation de ce type aurait subi de multiples dysfonctionnements liés au rejet de déchets chimiques résultant de la synthèse de l’amphétamine. Une étude sur modèle portant sur 23 installations de traitement des eaux usées de petite taille ou de taille moyenne a montré que les déchets liquides provenant d ’un lot d’amphétamine pourtant réduit (40 kg) pouvaient provoquer le dysfonctionnement de ces 23 installations.
Outre les solvants et produits chimiques (acides, bases) en vrac qui servent à fabriquer des drogues de synthèse et que l’on retrouve dans les déchets chimiques, les déchets contiennent souvent des résidus
du produit final, que l’on peut également retrouver dans le réseau d’égouts. Ces résidus dans les eaux usées dépassent souvent les niveaux résultant de l’excrétion de la drogue consommée.
Selon l’auteur d’une étude réalisée en 2014 sur la fabrication et la consommation de produits
pharmaceutiques, les risques associés à l’impact environnemental des rejets découlant de la fabrication
de drogues illicites diffèrent à plusieurs égards des risques associés à l’excrétion des résidus de drogues
après consommation. Cela tient surtout aux écarts entre les niveaux d’exposition. Les concentrations de résidus de drogues illicites dues à l’excrétion que l’on trouve dans les effluents d’eaux usées municipales sont faibles car les drogues sont consommées par une petite fraction de la population chaque jour. Au demeurant, le volume généralement important d’eau utilisé pour les toilettes permet au départ de diluer fortement les matières fécales et l’urine. Les rejets de déchets chimiques résultant de la synthèse de drogues illicites présentent, lorsqu’ils se produisent, des concentrations très supérieures, y compris en produits finals.
Pour distinguer la présence fortuite de déchets rejetés en lien avec la fabrication illicite dans les réseaux
d’égouts, on peut, par exemple, surveiller, dans les eaux usées influentes, la proportion de certains biomarqueurs de drogues communément consommées. C’est ainsi, par exemple, que des charges
extrêmement élevées d’amphétamine et de MDMA par rapport aux charges liées à la consommation
«normales» telles qu’enregistrées dans le réseau d’égouts de la ville d’Eindhoven, aux Pays-Bas, étaient révélatrices de déversements liés à la fabrication.

Impact des déchets sur les cultures agricoles et la chaîne alimentaire

Le déversement de déchets de drogues dans des fosses à fumier ou des caves ou à proximité peut avoir un autre impact environnemental important. Si ces déchets ne sont pas détectés avant que le fumier ne soit utilisé dans le processus agricole, les champs peuvent se trouver indirectement contaminés . Le mélange de fumier et de déchets peut être répandu dans les champs, et les plantes qui y sont cultivées peuvent contenir des résidus de produits chimiques, tout comme les produits finals. Aux Pays-Bas, on a trouvé de l’amphétamine et de la MDMA dans le maïs récolté dans ces champs.
Aux Pays-Bas, des plants de maïs provenant d’un champ qui avait été fertilisé avec du fumier contaminé par des déchets résultant de la production de drogues de synthèse ont été analysés et se sont avérés contenir des produits liés à cette synthèse. Les résultats n’étaient qu’indicatifs, mais on a trouvé dans ce maïs des niveaux de 8 μg/kg de poids sec d’amphétamine et jusqu’à 60 μg/kg de poids sec de MDMA.
Ces niveaux étaient nettement plus élevés que le niveau maximal de MDMA dans le maïs fourrage donné aux vaches, établi pour prévenir, chez l’homme, les effets aigus ou chroniques liés à la consommation de lait et, chez les vaches, les effets de la consommation du fourrage en question.
Dans une autre étude, la MDMA a été détectée dans des échantillons prélevés dans un autre champ en 2017 : on a découvert des concentrations allant de 12 à 17 µg/kg dans le maïs ensilage et jusqu’à 10 µg/kg dans les grains de maïs. À la différence de l’étude précédente, celle-ci a conclu que les niveaux observés n’étaient pas susceptibles d’avoir des effets nocifs.




Si l’impact environnemental à l’échelle mondiale des cultures illicites et de la fabrication de drogues est faible par rapport à celui du secteur agricole ou pharmaceutique légal, leurs effets peuvent être importants au niveau local ou individuel.

Par ailleurs, en termes relatifs, l’impact peut être supérieur à celui de certaines industries légales du fait de l’absence de réglementation environnementale liée à la production illicite de drogues.

D’une façon générale, les liens entre les drogues illicites et l’environnement demeurent peu étudiés et insuffisamment connus.

Bien que la question fasse l’objet d’une attention grandissante, la recherche reste limitée et se concentre souvent sur des cas isolés dont l’étude fait état d’un impact local ou spécifique sans que l’on essaie de se représenter ce qui pourrait découler de cette recherche à l’échelle mondiale.

Même lorsque l’on dispose de davantage de données, l’empreinte carbone n’est estimée que dans un petit nombre d’études auxquelles il est souvent fait référence sans toutefois qu’elles servent de point de départ pour des recherches nouvelles ou plus précises.


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