
Les services de police redoutent l’arrivée en France de substances élaborées à partir de « précurseurs chimiques » légaux pouvant servir à fabriquer des nouvelles substances psychoactives dangereuses.
Deux bouffées suffisent à provoquer une asphyxie brutale, selon les témoignages des rescapés.
Sur l’île de la Réunion, depuis juin, une drogue mystérieuse serait responsable de trois décès foudroyants et de treize intoxications graves, dont six ont nécessité une prise en charge en réanimation.
Certains en ont fait l’expérience à domicile ; d’autres, derrière les murs d’une prison, là où des détenus occuperaient la périlleuse fonction de « goûteur ».
Le 8 septembre, un communiqué de l’agence régionale de santé (ARS) de l’île sonnait comme une mise en garde envers les usagers autant que comme un avis de recherche pour identifier la poudre suspecte. Intitulé « Vigilance : circulation d’une substance non identifiée à risque mortel », ce document alerte sur la présence d’« opiacés de synthèse (…) cinq cent fois plus puissants que l’héroïne », dont la consommation entraîne « un risque d’overdose majeur, quelques secondes ou minutes après la prise du produit ». Depuis, les investigations sanitaires sont en cours. De même que plusieurs enquêtes criminelles.
Le mystère n’est toujours pas dissipé, mais des saisies douanières ont révélé, sur l’île, la présence concomitante de nitazènes, des opioïdes de synthèse, dont quelques milligrammes à peine peuvent suffire à déclencher un arrêt cardiorespiratoire.
Source : Thomas Saintourens.
Journal Le Monde – Publication du 02 novembre 2023.

Que sont les nitazènes ? |
Les nitazènes sont de puissants opioïdes synthétiques de la classe des benzimidazoles-opioïdes.
On estime que certains nitazènes sont plusieurs fois plus puissants que le fentanyl.
Les nitazènes ont été créés il y a 60 ans comme analgésiques potentiels, mais leur utilisation clinique n’a jamais été approuvée.
C’est en 2019 qu’on les a détectés pour la première fois dans les drogues illicites non réglementées.
On les trouve généralement de façon inattendue dans les drogues censées contenir d’autres opioïdes plus classiques (fentanyl, oxycodone, dépresseurs, etc.), souvent avec des benzodiazépines d’usage non médical.
Pourquoi s’en préoccuper ? |
Les nitazènes sont de plus en plus présents dans les drogues illicites non réglementées. La fréquence à laquelle ils sont détectés est en hausse, tout comme le nombre d’analogues des nitazènes.
Le contenu des drogues illicites étant imprévisible, les nitazènes tendent à être consommés de façon non intentionnelle et en quantité inconnue.
Les nitazènes peuvent faire augmenter le risque de surdose accidentelle, surtout lorsqu’ils sont combinés à d’autres substances réduisant les fréquences respiratoire et cardiaque, comme d’autres opioïdes et les benzodiazépines.
Les surdoses impliquant des nitazènes peuvent être difficiles à contrer; elles pourraient nécessiter l’administration de doses supplémentaires de naloxone, mais les protocoles à cet égard ne sont pas clairs pour le moment.
Les bandelettes de détection du fentanyl ne repèrent pas les nitazènes et la détection de ces substances à un point de service nécessite des appareils sensibles qui ne sont pas toujours accessibles.
Les analyses toxicologiques post-mortem et urinaires ne recherchent pas systématiquement la présence de nitazènes; la relation entre ces derniers, les risques pour la santé et les décès par surdose est donc difficile à évaluer.